Discours du directeur

Lancaster penche légèrement la tête sur le côté, et un instant perd son sourire. Son expression se fait légèrement soucieuse, ses sourcils se fronce, alors qu'il sert doucement dans la sienne la main de Carlsen. Il a l'impression de sentir comme une inquiétude dans la voix de Carlsen. Oh, bien sûr, il est possible qu'il se trompe, et que cette inquiétude ne vienne en fait que de lui et qu'il projette ses propres sentiments sur son compagnon. Il porte cependant la main de Carlsen à ses lèvres pour y déposer un baiser et retrouve son sourire, ce regard protecteur qu'il pose toujours sur lui. Celui qui lui assure qu'il sera là, quoi qu'il arrive.

_Bien sûr, je suppose que tout est prévu... Regarde.

De sa main libre, Lancaster lui désigne les porte du hall qui s'ouvre, et les trois hommes qui en sorte. L'un deux est leur professeur de danse, un homme sévère mais dont les cours sont d'une qualité indiscutable. Mais ce n'est pas lui qui parle, c'est celui que Lancaster pense reconnaître comme le directeur de l'école d'après les papiers d'inscription qu'ils ont tous deux reçu. Dans le même silence quasi religieux que les autres élèves réunis en petite assemblée, Lancaster écoute le discours. La voix de monsieur MacKlarin porte assez pour qu'il l'entende parfaitement, et le moment lui semble si important qu'il n'en manque pas un mot.

Alors... Alors oui. Quand l'homme s'en va et les laisse dans la cours, Lancaster est totalement rassuré. Oui, il a comprit le message. Lawrence MacKlarin, celui qui a choisit de poursuivre cette aventure, celui qui a tout reconstruit de ses mains, a vécu l'incendie avec eux. Et Lancaster n'en doute pas, il a sans doute prit toutes les précautions nécessaire à ce que cela n'arrive pas ici. Non, il peut entrer dans cette vie étudiante en tout confiance, et aux côtés de Carlsen. Ils seront en sécurité ici.

Un baiser à son compagnon, un sourire heureux, confiant, et ce regard qui le couve, qui prend soin de lui. Il peuvent commencer cette vie à deux plus sereinement maintenant. Même si une ombre plane toujours... Mais Lancaster ne veut tout d'abord pas y penser. Pas maintenant. Ils auront malheureusement tout le temps pour cela plus tard.

_Tu préfère donc que nous visitions simplement les chambres pour le moment ? Nous pouvons nous y reposer un peu. Je crois que c'est par là.

D'une main il lui désigne le bâtiment qui semble bien, selon le plan qu'il a tenté de mémoriser, avec succès il est vrai, être celui des élèves. Une interrogation dans le regard, c'est à Carlsen de décider. Lui, il le suivrait jusqu'au bout u monde... Un petit sourire. Et cela ne lui fait pas peur, n'est-ce pas ? Il l'a déjà fait.

''C'est comme si on s'installait dans une nouvelle maison ! On visite, on regarde comment c'est agencé, on fait une liste d'idées pour ajouter notre propre décoration ... Enfin, moi, je trouve ça amusant !'' avoua Carlsen avec un petit sourire embarrassé. Il devait avoir l'air un peu ridicule avec ses idées de ménage à fonder et de petite existence à organiser, il en était conscient. L'indulgence de son compagnon n'était plus à démontrer, notamment à son égard où elle repoussait chaque jour les limites du possible ; mais c'était ce même sentiment qui le traversait parfois lorsqu'il lui lisait l'un de ses étranges poèmes, semble-t-il venus d'un univers radicalement différent, animé d'une esthétique déconcertante. Il savait que Lancaster sourirait, mais il ne savait pas s'il n'aurait pas mieux mérité ce sourire en se tenant coi et en venant simplement l'embrasser ; en étant simplement son petit ami, comme d'autres alentour l'étaient pour la personne à leurs côtés, et en évitant de se poser d'autres questions.

Comme ces questions concernant le détenu W. Teiler, inculpé pour meurtre, braquage et quelques autres bricoles, et qui attendait tranquillement son verdict, lequel ne faisait aucun doute et serait rapidement exécuté. Non, quand Carlsen y pensait, il sentait son coeur bondir à l'idée de l'injustice des deux complices séparés pour l'éternité. Si lui-même était dans une situation comparable vis-à-vis de Lancaster, ne serait-ce pas avec une immense reconnaissance qu'il verrait arriver du secours pour les réunir miraculeusement, contre toute attente ? Et il avait besoin, sans vraiment s'en rendre compte, de la reconnaissance de cet homme dont il ne portait même pas le nom. De son point de vue, il fallait que quelqu'un fasse quelque chose, et il fallait que ce soit lui. Avec ou sans aide. Et il avait confiance en son amoureux, ce serait avec... et une aide précieuse, il avait déjà pu durant les mois passés mesurer à quel point.

Mais s'il décidait de ne pas y penser ? Une fois l'auteur de ses jours irrémédiablement pendu, ou jeté dans une prison à haute sécurité pour le restant de son existence, et son complice sans doute décédé des suites de la blessure reçue lors de leur arrestation, qui l'avait laissé dans un état plus que critique selon les médias, il serait trop tard pour s'en aller jouer les redresseurs de torts. Il suffisait de s'étourdir, de se laisser enivrer par cette vie pleine de possibilités et par Lancaster qui ne demandait que cela, et y réussissait magnifiquement bien. C'était une tentation, que Carlsen se reprochait au plus haut point, mais qu'il ne pouvait éloigner bien longtemps de son esprit. Surtout lorsqu'il surprenait dans le regard du prince charmant à ses côtés la moindre lueur de préoccupation ou d'anxiété, forcément à son égard.

''Allons ... guide-moi jusque là-bas,'' sourit-il en entrelaçant amoureusement ses doigts aux siens, l'entraînant loin de la foule d'une légère pression sur sa main. ''Allons visiter notre maison, chéri.''

Ah ben alors ça…

Dire que Tatsuki n’avait absolument rien écouté du discours du directeur aurait été encore en deçà de la réalité. Tout le long, son regard revenait sans arrêt sur le visage si familier du jeune homme qu’il avait aperçut. C’était fou comme il lui ressemblait…. D’accord, il ne l’avait vu qu’une seule fois, son Artémis, sa douce amie… Mais jamais il n’aurait put oublier ses traits. Il était même retourné deux ou trois fois à l’endroit où il l’avait laissée, espérant la revoir. Comment était-il possible que ce type là soit son sosie si parfait ?

Planté à côté d’Aki et de Brandon, qu’il avait à peine vu arriver, le grand roux ruminait. Son cerveau finissait par tourner tout simplement en boucle. Qui ? Quoi ? Où ? Mais bon Dieu comment c’était possible ?!

Pourtant, c’était bien un garçon… Sa façon de se tenir, d’agir… ça ne collait pas vraiment à ce dont il se souvenait de sa belle…

Ou alors elle était déguisée… elle se faisait passer pour un mec pour pouvoir intégrer cette école ? Peut-être pour le retrouver lui ?

Une fraction de seconde, le cœur de Tatsu s’était emballé, et il avait bien faillit aller lui parler au beau milieu du discours. Mais non, impossible… Ce n’était pas elle. Même si ses cheveux courts ne pouvaient pas cacher la ressemblance…

Aaarg il allait finir par juste devenir fou.

A peine le directeur avait-il tourné les talons, qu’il lançait un

_ouais, pas de soucis, comme tu veux mais je reviens !

A Brandon, dont il n’avait pas du tout écouté la question, et filait sans attendre pour intercepter sa proie avant qu’elle ne file.

_Hey, toi tu… Tu….

Le choc ! C’était pourtant flagrant, vu de près. Les yeux, ce regard…. Exactement les mêmes. Bouche bée, Tatsu bégaya une ou deux fois, avant qu’enfin la lumière ne se fasse dans son esprit. Ou presque.

_Tu as une sœur jumelle !!

Bien entendu, c’était ça l’explication ! la seule possible même ! Il avait trouvé le frère d’Artémis… ! c’était fabuleux, avec un peu de chance, et si il arrivait à l’appâter, il pourrait peut-être le mettre en contact à nouveau avec sa sœur…

Tout allait bien. Tout semblait parfaitement normal. Le temps n'étais pas mauvais, il faisait même bon. Les petits groupes se dispersaient en discutant joyeusement. Et ils en faisaient parti, de ces groupes d'ados insouciants se réjouissant de ces retrouvailles. Ils étaient pas différent d'eux, n'est-ce pas ? Pourtant, il y avait une tension sous-jacente dans leur petit groupe si semblables aux autres. Une tension qui augmentait à chaque seconde qui passait. Aki avait l'impression que d'un instant à l'autre des éclairs allaient se mettre à courir sur sa peau. Pourtant, tout paraissait toujours si... Normal. Brandon proposait un coup à boire. Un retour à une vie interrompue brusquement. Une soirée entre potes, quoi.

Et lui, soudain, il avait envie de vomir.

Aki retint un haut le cœur, et n'eut qu'une brève grimace. Pas longue, et puis de toute façon Tatsuki avait bien détourner l'attention de lui juste au moment venu en s'excusant d'une manière assez brutal pour tout bêtement les planter là. Pour aller voir un mec qui, si Aki se souvenait bien, était avec lui en cours de théâtre. Enfin, en même temps, il en était pas sûr, et si c'était bien lui il avait quand même changer. Réflexion rapide dans un coin de son esprit, une information qu'Aki s'empressa de classer et d'oublier. C'est pas que, mais pour le moment, il n'en avait aaaaaaabsolument pas besoin. Son attention se tourna vers le blond.

_Je vais faire comme lui, en fait... J'ai un truc à voir.

Et sa nervosité, elle, devait être de plus en plus visible. Il fallait vite qu'il parte de là, il fallait.. Son cœur battait trop vite, ses gestes étaient saccadés, autant de petits détails à peine visible qui lui déplaisaient fortement. Oui, il fallait vite qu'il s'en aille. Très vite, même.

_Je te rejoins à ta chambre quand j'ai fini.

Oula, ça, c'était le genre de phrase qu'il devait éviter, non ? Pourtant elle ramena un sourire sur son visage, en même temps qu'une légère rougeur fort heureusement camouflée en bonne partie par son fond de teint. Mais d'un coup, sans savoir pourquoi, il se sentait plus léger. Il ne savait pas ce qui se passerait, une fois seuls à seuls dans cette chambre. Mais c'était Brandon. Juste Brandon. Et il savait qu'il le retrouvait pas vraiment différent de ce qu'il l'avait laissé. Non, voilà, c'était juste Brandon...

Un baiser sur sa joue, aussi rapide qu'une flèche, et presque un bond en arrière afin d'éviter le coup qui risquait de s'en suivre. Juste le temps de laisser une légère marque noire au coin des lèvres de mister Blonde. Un sourire en coin, un signe de la main, à "à tout à l'heure" avec un sourire en coin, et déjà Aki partait en courant vers le bâtiment collectif. Oui, il avait juste un truc à vérifier, et après, il retrouverait enfin sa vie.