Help, newbie en détresse (Aki)

9h00. La rentrée. Ce sont les mêmes étudiants (en petit nombre cependant) qui se faufilent d’un côté ou de l’autre, un sac à la main, le sourire aux lèvres. Quelques rires, des regards un peu inquiets, mais rien qui ne ressemble de près ou de loin à l’anxiété qui lui noue le ventre à l’en faire grimacer. Certains élèves semblent particulièrement heureux de découvrir cette académie où il posséderont un semblant d’indépendance. D’autres, plus habitués, arborent un visage tranquille, le pas assuré. La majeure partie a su préparer son arrivée, sauf l’hurluberlu au milieu, avec ses bagages, fraîchement débarqué d’un taxi déjà loin. Il remarque vaguement que la plupart des garçons ne portent pas de costume, encore moins de cravate et il se sent un peu idiot, regrettant d’avoir laissé sa mère s’occuper de ses vêtements. Il était pourtant bien précisé sur la brochure que l’académie n’obligeait pas ses élèves à porter un uniforme, et certains traînent même en jean basket. D’une main tremblante, il tâche de défaire la cravate qui l’étrangle un peu, en pestant du bout des lèvres.

Et ses grommellements ressemblent étrangement à des chiffres.

Tu parles d’un débarquement. Il ferait sans doute mieux de rebrousser chemin au plus vite, ou alors de regagner la chambre qui lui a été assignée. Deux problèmes se posent néanmoins: Le nombre de bagages que sa mère a réussit par un tour de main impressionnant à faire rentrer dans le minuscule coffre du taxi sous le regard ébahit de son chauffeur. Et surtout, l’ignorance affligeante de Noboru. Ce n’est pas sa rentrée de lycée, où il était un simple demi pensionnaire et non pas un interne. Les cours ne commencent que demain, en attendant, il doit s’installer. Et pour cela, il doit trouver le secrétariat. Autour des panneaux d’affichages se pressent déjà une dizaine de garçons et il abandonne aussitôt l’idée de jouer des coudes pour décrypter un quelconque plan. Autant ne pas aggraver son cas. Le plus simple serait sans doute d’attraper un élève pour lui soutirer l’information.

Un sourire un peu triste vient effleurer ses lèvres. Simple constatation face à cette pensée un peu étrange, nouvelle. Il y a deux ans, jamais Nobu n’aurait fait le premier pas, vers qui que ce soit.

Oui, mais les choses ont changé. Principalement grâce à Mareo, même si ce dernier n’a jamais été un très bon exemple, à demeurer dans son coin, sans s’ouvrir aux autres. C’est sans doute par simple envie de retrouver une ébauche du club. Il a finalement comprit que la solitude ne lui convenait pas, et quitte à ne pas traîner dans une bande, autant se faire quelques connaissances. Ca sera toujours ça à raconter à sa mère. Il l’entend déjà s’extasier bruyamment au téléphone avant de le harceler de questions sur son « nouvel ami ». Sa mère a toujours bien aimé Mareo, mais elle aurait voulu qu’il ait… d’autres fréquentations. Par principe. Pour elle, un garçon de 17 ans se doit de traîner en bande. C’est une tradition.

Il finit par se secouer, et s’avance au hasard, une sacoche en cuir contenant quelques cahiers à la main, et surveillant du coin de l’œil ses autres effets qui traînent dans le hall. Une bande lui serait bien utile pour trimballer tout ce farda. En attendant, il s’approche d’un garçon à l’allure quelque peu originale et s’éclaircit la voix avant de demander d’une voix polie au possible:

- Excuse moi, tu pourrais m’aider… ?

Le regard du garçon manqua de lui arracher un nouveau grognement mais il se contenta de le fixer, impassible, attendant simplement que ce dernier ose un commentaire. Si Nobu était à un extrême, emprunté dans ce déguisement de jeune lord, cet inconnu était son parfait opposé. Fort heureusement, passer deux ans en compagnie de Honi l’avait habitué à toutes les excentricités. L’habit est loin de faire le moine, surtout quand on ressemble à une paisible adolescente de 16 ans en uniforme d’écolière. Alors c’est vous dire si les piercings, les habits, les cheveux teints et le maquillage de son vis-à-vis le laissaient de marbre. Il offrait simplement un point de repère dans cette masse d’étudiants. Le point de repère sur lequel on s’attarde quand on essaye de trouver une bonne poire capable de vous renseigner.

Auriez vous l’obligeance monseigneur…

- Je cherche le secrétariat pour ma clé de chambre.

Et le tout enrubanné d’un petit sourire gêné et sympa. La simple idée de devoir traîner ses valises dans les étages de cette académie lui donnait envie de s’affaler aux cotés de ce garçon pour profiter du soleil. Et pourquoi pas faire connaissance avec le programme de Sounan’sha avec un livre de maths. Attendant patiemment que l‘autre daigne lui répondre, il observa les alentours. Vraiment, respect. La brochure n’avait en rien enjolivé les choses, et il comprenait pourquoi sa mère avait eut l‘air si enthousiaste à l‘idée qu‘il y soit admit. Ce n’est pas tout les jours qu’on a l’occasion d’étudier dans un manoir rénové. Ca ne remplaçait certainement pas le club de couture, mais ça avait plutôt tendance à lui couper le sifflet. Il aurait été assez ingrat de se plaindre d’une telle opportunité. Néanmoins, son attention revint bien vite sur le… « gothique » , faute d’autre terme. Sa nonchalance commençait à piquer sa curiosité.

Nobu s’attendait à quelques indications plus ou moins précises, voire même d’un vague signe de la main en direction des couloirs, et eut le geste machinal de saisir calepin et stylo à l’intérieur de son sac en cuir. La suite eut au moins le plaisir de lui faire hausser les sourcils. Le jeune gothique donc venait de prendre la décision de lui servir de guide. A la bonne heure ! Nobu portait sans doute l’étiquette d’un novice peu débrouillard accroché à son costard mais pas celle d’un emmerdeur. Souriant un peu plus largement, détail infime d’un point de vue extérieur mais c’est le geste qui compte, il emboîta aussitôt le pas à l’autre étudiant, abandonnant ses valises dans le hall. Autant écarter tout risque potentiel de dépression, ou plus simplement: chaque chose en son temps.

- C’est vraiment sympa, merci, lança-t-il avant que le garçon ne s’engage dans les couloirs tortueux du bâtiment.

Peu méfiant, il remarqua avec plaisir que l’autre étudiant avait l’air tout motivé à l’amener à bon port. Quitte à l’ignorer royalement. Renonçant à faire la conversation, qui aurait sans doute aboutie à un simple monologue, Nobu apprécia le paysage. Monotone. Les portes fermées se succédaient et il avait surtout l’impression de tourner en rond. Ils passèrent devant un plan, puis devant un deuxième mais le gothique ne marqua aucune hésitation et continua sa route avec entrain.

- Je m’appelle Noboru Keito au fait.

A tout hasard.

Il n’avait pas l’air perdu, juste fatigué. Le voyage avait été quand même épuisant, même installé sur le siège arrière d’un taxi. L’imbécile qui avait décidé un jour que rien ne valait mieux qu’un peu d’exercice après un long voyage en position assise pouvait bien aller se faire cuire un œuf à la française. Pour l’instant, il avait surtout envie de faire connaissance avec sa nouvelle chambre, et de découvrir les aspérités microscopiques du plafond, confortablement allongé sur son lit. Petit à petit, son stress revint. Par petites touches, par petits chiffres, puis nombre, jusqu’à défiler silencieusement dans sa tête, comme à la parade. C’était long, beaucoup trop long. Et le doute se ramena, persiflant ses petites questions.

Est-ce que l’autre savait seulement où il allait ?
Est-ce que l’autre faisait seulement partie de cette école ?

Il aurait pu accompagner un élève, ami frère cousin voisin extraterrestre… Il aurait pu se foutre de lui aussi. Le bizutage ça existait encore de nos jours. Ou alors il arrivait tout juste d’une ville à l’autre bout du Japon et après un long voyage en position assise il avait décidé de faire un peu d'exercice.

De la marche. Avec lui. Pendant longtemps.

Trop longtemps.

Après la réalisation d’un schéma approximatif mental de l’académie Sounan’sha vous calculerez le nombre potentiel de plans accrochés aux murs de la dite école.

Avec une introduction, une problématique, une annonce de plan détaillée…

Bon stop.

- Euh… dis. …… Oh ! ………. Hey !

Nobu eut un vague rougissement coupable quand l’autre se décida enfin à tourner la tête vers lui.

Eh ouais surprise, j’suis toujours là…

- Excuse moi, mais est-ce qu’on arrive bientôt ?

Le tout sans impatience, avec un beau sourire et un calme olympien.