Et tout peut recommencer....

Le bureau est parfaitement rangé. Des dossiers dans un coin, pas une feuille qui ne dépasse. L'écran de l'ordinateur aligné au clavier et à la souris. Et comme seul signe personnel, un cadre dans lequel repose le sourire de Cyrius. La seule fantaisie que Lawrence s'est permise. Un léger soupir, un peu las peut être, du directeur installé dans son fauteuil en cuir. Il ne regrettait pas une seule seconde son choix. Il avait voulu cette école, il avait voulu offrir un cadre convenable aux élèves rescapés. Et surtout, il avait voulu ne rien perdre de la vie que lui et Cyrius construisait maladroitement, petit à petit. Et il n'était pas encore temps de quitter le Japon, il n'avait pas fini ce pour quoi il était venu.

Mais aujourd'hui, il n'avait pas le temps de penser à cela. Alors que les murs gardaient encore une légère odeur de peinture fraîche, Lawrence attendait. D'ici quelques instants le calme absolue des lieux seraient troublés. Aujourd'hui devaient arrivés les premiers anciens élèves souhaitant continuer ensemble leur scolarité. Il pourrait ensuite commencer à examiner les dossiers des nouvelles candidatures. On acceptait pas n'importe qui au pensionnat de Sounan'sha, même si sur les conseils de son compagnon il avait éviter un règlement trop strict. Mais il avait tout fait pour que cette école puisse être un cadre d'étude agréable. Il avait même prit soin de réunir une partie de l'ancienne équipe pédagogique. Eux aussi, d'ailleurs, ne sauraient tarder.

Enfin, restait un dernier point sur lequel Lawrence demeurait tendu. Le secrétaire. Certes, pour le moment, il n'avait eu à s'en plaindre. Mais au vue de ce qu'il savait de son passé, et malgré l'insistance de Cyrius, il gardait une certaine retenue vis à vis de cet homme. Pour le moment, aucun incident n'était à déplorer, et il effectuait son travail à la perfection, ne rechignant jamais aux tâches qu'on lui confiait. Mais Lawrence savait qu'il devait garder un œil sur lui, d'autant plus qu'il allait désormais être au contact d'adolescents que Lawrence prenait sous sa responsabilité. Il saurait faire très attention à son comportement.

Lawrence se redressa légèrement dans son fauteuil. Il devait, pour l'instant, laisser tout cela de côté. La journée qui l'attendait serait extrêmement chargée, comme toutes celles qui l'avaient précédées depuis qu'il avait mit en route l'idée d'une nouvelle école. Il n'avait, à vrai dire, qu'une hâte : que cette première journée se termine, et qu'il puisse rentrer passer une agréable soirée auprès de son compagnon.

Ce n'était pas la première fois que Cyrius faisait la rentrée des classes en tant qu'organisateur, et pas en tant que victime, si l'on peut dire. Mais c'était la première fois qu'il se payait le luxe d'une rentrée post-apocalyptique, et sous son masque zen, il en notait les moindres petits détails originaux. C'était surtout amusant de voir les autres laisser transparaître leur effervescence, notamment les élèves qui passaient devant lui dans le hall illuminé, mais pas seulement. Les adultes avaient un peu l'air d'ouvrir un cadeau de Noël immense eux aussi en retrouvant des lieux différents, mais où pourraient se rafistoler peu à peu les fragiles broderies qui avaient composé leurs vies, et que la flamme avait déchirées. Il ne souriait pas, réservant cet effort pour une meilleure occasion, et peu de personnes le connaissaient suffisamment pour le saluer au passage autrement que comme un membre de la nouvelle administration. Mais il ne se laissait pas de cet endroit. Depuis combien de minutes flânait-il dans ce hall de plus en plus envahi de visages et de voix enthousiastes ? Une pensée amusante traversa son esprit, c'était comme si son coeur battait au-dehors de lui, et que sa propre indifférence apparente n'en composait qu'une fibre endormie. Ces jeunes gens étaient de bien meilleurs interprètes des sentiments qui s'agitaient en secret au fond de son âme. Il savait, lui, que cette école avait été rebâtie par devoir, mais aussi par amour.

En apparence, il était toujours le psy qui devait faire un effort pour décoller son menton de sa main et regarder son patient en face, d'un oeil quasi vitreux. En apparence, rien n'avait changé. Les piercings à ses oreilles étaient en place tout comme le pendentif à son cou. Mais la signification avait changé, c'étaient les marques de respect de son compagnon, qui avait tenu à remplacer les bijoux abandonnés au cours de leur relation, symboles d'épisodes dont la commémoration n'avait plus lieu d'être. En apparence, il s'habillait toujours de ces teintes bleues et grises qui lui permettaient de se fondre dans le décor, et se composait toujours une coiffure digne d'un oursin - un strongylocentrotus purpuratus, tout au plus, et noir, n'exagérons rien ... - mais on aurait été surpris d'apprendre qu'il portait désormais presque familièrement le costume et la tenue d'équitation, lors des diverses sorties auxquelles son compagnon l'avait habitué. Et si ces éléments auraient pu donner l'impression qu'il avait conservé son attitude passive et je-m'en-foutiste, eh bien, ce n'était absolument pas le cas. Comme tous ceux qui étaient revenus s'investir dans ce projet de redémarrage à zéro, il avait dû préciser ses positions et s'y tenir, adopter de nouvelles responsabilités, et changer de point de vue face aux étudiants qu'ils côtoyaient enfin à nouveau. D'ailleurs il avait déjà eu sa part de secousses émotionnelles depuis que Lawrence et lui vivaient ensemble, et cette évolution s'était déjà largement amorcée. Il n'avait eu qu'à la poursuivre.

Lawrence... Le pauvre allait avoir deux fois plus de travail à présent, trois fois si l'on comptait la surveillance du nouveau secrétaire, une tâche dont il aurait pu se dispenser d'après Cyrius. Ce dernier aurait pu froncer les sourcils à cette pensée somme toute agaçante, mais il avait au contraire enfin retrouvé ce sourire que l'euphorie des retrouvailles environnantes n'avait pas suffi à éveiller. Il finit par sortir, constatant que tout se passait à merveille parmi les premiers arrivants, et traversa la cour en admirant l'architecture, comme s'il n'avait pas assisté à la création des plans. Sa mémoire n'était toujours pas un exemple pour la jeunesse, il faut l'avouer. Dans ce cas précis c'était plutôt un avantage, il ne cessait de s'émerveiller de la nouvelle école qui était leur demeure, comme il s'émerveillait chaque matin en ouvrant les yeux de retrouver pourtant toujours le même être à ses côtés. Et il suffisait de quelques heures pour que la présence de Lawrence lui manque. Il savait que c'était réciproque, et avait cessé d'en être intimidé pour savourer pleinement cette idée somme toute agréable. Après tout, il n'y avait aucune menace dans cette tendance un peu fusionnelle ; ils n'allaient pas être séparés, n'est-ce pas? Si une pareille catastrophe n'y avait pas suffi... Doucement, il frappa enfin à la porte du bureau et se glissa à l'intérieur sans attendre, toujours ce même léger sourire aux lèvres.

''J'arrive du hall, tout se passe bien... A quelle heure penses-tu que tout le monde sera arrivé? Enfin, moi, je le connais ton discours mais... Oh, je ne te dérange pas, j'espère?''

Lawrence releva la tête aux trois coups frappés à sa porte et n'eut pas même le temps d'ouvrir la bouche que le nouveau venu entrait. Il réprima immédiatement les remontrance dont il s'apprêtait à couvrir celui qui osait ainsi le dérangé, mais les paroles s'envolèrent de son esprit avant même qu'elles n'aient le temps de franchir ses lèvres, remplacées par l'ombre d'un sourire en voyant Cyrius entrer. Aussitôt, Lawrence se leva de son fauteuil, l'accueillant presque littéralement à bras ouverts. Il était tellement étrange de remarquer, si tant est qu'il en prenne le temps, comme la journée semblait s'illuminer tout à coup alors qu'il voyait entrer dans son univers son compagnon. Pourtant, toute personne étrangère aurait été bien en peine de découvrir sur le visage de Lawrence le moindre signe de cette joie qui étreignait son coeur. Ses gestes, peut être, ses mains impatientes qui le saisissaient doucement, ce baiser sur son front... Mais encore eut-il fallut qu'il soit tout de même excellent observateur pour cela.

_Non, bien sûr, tu ne me dérange pas... Tout se passe bien, donc ? J'en suis ravi.

Ravi était peut être un bien grand mot, disons en tout cas qu'il en était satisfait. Il savait bien que les élèves qu'il accueillait n'étaient pas des modèles de bonne conduite, bien qu'ils n'aient jamais non plus connus de réels problèmes avec l'administration ou, pire encore, avec la justice. Non, Lawrence avait prit soin d'examiner soigneusement chaque dossier. Il voulait créer une école dont l'association à son nom pourrait être sans tache. A leur nom, peut être... Ce n'était pas le moment d'y penser, bien qu'instinctivement sa prise se soit fait encore plus douce qu'elle ne l'était sur les bras de Cyrius, bien que plus ferme. Il avait bien d'autres choses sur lesquelles il se devait d'être concentré. Mais il n'en oubliait pas Cyrius. Non, bien sûr que non... Comment aurait-il pu ? Il l'entraine doucement vers les fauteuil qu'il a fait installé, un coin de détente pour les rendez-vous moins formel, et le fait assoir sans jamais le lâcher.

_Veux tu boire quelque chose ? Nous avons le temps...

En fait de discours, il s'agit simplement de quelques mots qu'il prononcera d'ici quelques heures devant les élèves réunis. Mais il préfère d'abord leur laisser prendre leurs marquent. Ils connaissent tous leur numéro de chambres, tous ceux qui arrivent aujourd'hui ont eu le choix. Après tout leur année a déjà été bien assez bouleversée pour qu'ils n'aient en plus besoin de se retrouver à cotoyer dès le départ de parfaits inconnus. Comme on aurait pu s'étonner de le voir ainsi se soucier des autres... Tous ceux qui avaient connu Lawrence jussqu'alors n'auraient certainement jamais pu pensé le voir ainsi penser ainsi. Oh, personne sans doute n'aurait pu le qualifier d'égoïste. Non, juste parfaitement indifférent. Mais maintenant... D'aucun aurait penser que ce changement d'état d'esprit était dû à cette nouvelle relation qu'il chérissait plus que tout. Auraient ils eut alors tort ? Sans doute pas. Il avait découvert autre chose, un nouveau sens des responsabilités, une nouvelle vie. Il l'offrait aux autres, à tous. Il l'offrait à son compagnon...

Une main dans ses cheveux, légère. Ce look d'éternel adolescent qui aurait du le repousser mais qui, au contraire, l'avait attirer. Oui, ils avaient le temps. Quelques heures, et toute la vie devant eux. Les dossiers en attente sur son bureau semblaient aussi lointain soudain que s'ils avaient fait parti d'un autre espace-temps. Pourtant, il savait qu'il devait prononcer un discours, il savait qu'il avait mille choses à faire. Mais Cyrius était plus important que cela. Et il consacrait déjà tant de temps à cette école qu'il en avait à peine le temps de le voir. Alors pour une fois, juste quelques minutes, il voulait profiter de sa présence. Le temps de savourer quelques paroles échangées. Quelles soient banales ou non importaient peu, au fond. Juste être un peu avec lui, une pause dans cette journée si bien remplie. Bientôt, il se relèverait, vérifierait son costume, récupèrerait ses notes et irait accueillir ses nouveaux protégés. Bientôt. Juste... Pas tout de suite. Juste le temps d'un sourire et d'un nouveau baiser...

Aberkane le psy, prisonnier d'une vie dont il savait qu'elle n'était pas la sienne, fils d'un père absurde qu'il ne reconnaissait pas, si incapable d'appréhender ses propres souvenirs qu'il en était réduit à les graver dans sa chair... Bref, un loser de la pire espèce . Et soudain, il se laissait aller à l'accueil charmant et délicat de Lawrence MacKlarin, et il se sentait devenir un autre homme . Ce n'était pas vraiment exact, cet autre homme avait grandi en lui au fil des années, mais c'étaient les baisers de Lawrence qui l'avaient amené à ouvrir les yeux et à prendre les commandes, comme dans tous les bons contes de fées . Néanmoins la métamorphose n'était jamais tout à fait achevée ; il mettait une certaine coquetterie à toujours garder une part de vulnérabilité, une part d'abandon total à l'influence de son compagnon, tant il aimait à la sentir rayonner sur son âme, la réchauffer, comme après une trop longue plongée en apnée dans des eaux noires et mystérieuses .

Au milieu de ses cheveux savamment décoiffés étincelaient ces nouveaux souvenirs de métal ouvragé que désormais, il partageait avec son compagnon, qu'il lui devait même . C'était une légère sécurité tangible et il jouait parfois machinalement avec ses piercings, alors qu'avant de leur accorder cette valeur sentimentale particulière il lui était arrivé d'oublier leur existence . Pour l'heure ses deux mains étaient occupées, et le plus agréablement du monde ; fines et agiles, habituées à manier le lourd matériel de plongée mais aussi condamnées par les besoins du monde moderne à jouer distraitement avec des stylos pendant des heures, elles se plaisaient aussi à une fausse inactivité, leurs doigts délicatement entrelacés à ceux de son compagnon alors qu'il reposait sa tête contre son épaule, profitant de sa présence autant que possible, comme si celle-ci lui était rationnée . En réalité, il se prêtait à un exercice de mémoire, et les yeux mi-clos, s'attardait à retracer les moindres dessins, les moindres lignes parcourant ces paumes familières, dont le contact l'électrisait toujours légèrement, même s'il restait aussi innocent .

''Boire ? Non, merci, c'est gentil ... Tu sais que je suis composé à quatre-vingt-dix-neuf pour cent d'eau de mer, je n'ai pas besoin de m'hydrater pour le moment,'' sourit-il de cet air ensommeillé qui signifiait en réalité qu'il était parfaitement détendu et heureux, en totale confiance avec son environnement et son entourage . Lorsque son entourage ne se composait que de cette unique personne, il était rare qu'il ne le soit pas . Sa nature n'avait jamais été particulièrement sauvage depuis qu'il était arrivé au Japon - antérieurement à cette période c'était différent - mais quoi qu'il en soit, Lawrence l'avait brillamment apprivoisé, et sans avoir besoin de fournir d'efforts particuliers . Cela s'était fait tout naturellement, comme s'ils s'étaient toujours connus, et ne s'étaient quittés un moment que pour mieux se retrouver . ''En fait tout se passe mieux que je ne l'avais imaginé au départ . Cette école est parfaite, parce que tu as veillé à chaque détail . Où que je sois, même si tu es enfermé ici, j'ai l'impression que tu es auprès de moi .''

Doucement, son visage se releva de sa position alanguie contre l'épaule de son amant, pour revenir poser ses lèvres souriantes contre le visage de l'aristocrate, au hasard, sans doute pas loin de ses lèvres ... mais il n'avait pas envie de rouvrir les yeux . Il était trop bien ainsi ... sans qu'il l'admette lui-même, la présence physique de Lawrence lui manquait d'autant plus dans un environnement qui portait sa marque, ses traits de caractère, son élégance naturelle et le luxe face auquel il ne reculait jamais, pour prendre soin de son amoureux et désormais de l'ensemble des pensionnaires .

Quelque part, Cyrius le soupçonnait de prendre son nouveau rôle très à coeur parce que cela lui permettait de veiller sur toutes ces personnes, sans avoir l'air d'éprouver quoi que ce soit pour elles, ce qui l'aurait gêné au plus haut point . Il avait ressenti intuitivement quel plaisir Lawrence avait pris, au fur et à mesure que leur relation s'était tissée, à reporter sur lui une affection et une bienveillance naturelle qu'il ne pouvait d'ordinaire pas exprimer, à part avec son cheval préféré et quelques autres animaux privilégiés . Les étudiants étaient dorénavant tous sous sa responsabilité, et il savait que c'était extrêmement sérieux pour Lawrence . Il éprouvait à cet égard une profonde fierté, même si cela le lui dérobait nécessairement quelques heures par jour ; cela lui plaisait étrangement de voir l'homme qui n'aurait dû appartenir qu'à lui se consacrer au bien de tous .

Un sourire encore qui vient effleurer ses lèvres pâles. Un nouveau baiser, juste une caresse, un effleurement. Rester simplement à profiter de sa compagnie lui convenait parfaitement. En cet instant, Lawrence n'en demandait pas plus. L'heure avançait pourtant, bien trop vite à son goût. Il n'avait en cet instant aucune envie de faire face à son devoir et surtout à cette foule d'élèves qui l'attendraient au tournant. La moindre erreur dans ce genre de discours était tout de suite repérée alors même que la moitié d'entre eux sans doute n'écouteraient même pas ce qu'il avait à dire. Comme dans toute tâche, bien sûr, il s'agissait là de quelque chose d'ingrat, où le travail bien fait n'était pas reconnu. Mais peu lui importait, au fond, d'avoir leur reconnaissance. Sincèrement, il n'en avait nul besoin.

Parfois, oui, il se demandait pourquoi il avait ouvert cette école. Il avait même longuement hésité. A quoi bon ? Il n'avait nul besoin de l'ouvrir, il n'avait techniquement même pas besoin de travailler pour vivre, et il aurait très bien pu offrir une vie parfaite à Cyrius sans cela. Mais il y avait quelque chose de spécial dans ce monde, dans l'école qui était partie en fumée. Alors oui, il avait voulu le recréer... Et visiblement, s'il en croyait les paroles de Cyrius, il y avait parfaitement réussit.

_Je suis heureux que tu te plaise ici.

Il s'y plaisait, oui... Mais Lawrence avait la vague impression que Cyrius ne lui disait pas toute la vérité. Ce n'était pas quelque chose de précis, non, juste comme un arrière goût amer au fond de sa gorge sans qu'il ne sache réellement à quoi il était dû. Enfin, peut être que s'il s'y était penché plus précisément... En fait, tout à fait honnêtement, il savait ce qui n'allait pas. Ou au moins, une partie de ce qui n'allait pas. Car depuis qu'il avait décidé de prendre en charge l'ouverture d'une telle école, il ne pouvait se résoudre à ne pas superviser tout ce qu'il s'y passait, tout ce qui était sous sa responsabilité. Ce qui lui prenait un temps fou. Ce qui en enlevait à son compagnon... Pendant quelques secondes, Lawrence ferma les yeux, se remémorant les dossiers qui trônaient sur son bureau et qui n'attendaient que d'être étudiés. Il comptait normalement le faire après le discours, et cela lui aurait sans doute prit une partie de la soirée. Mais non, il ne pouvait s'y résoudre...

_Que dirais-tu d'une sortie au restaurant ce soir ? Afin de fêter l'ouverture officielle de notre école.

Leur école, oui. Lawrence ne pouvait le mettre à l'écart de cela. Cyrius ne s'était pas investit autant que lui avait pu le faire, mais ce n'était pas le plus important. S'il ne l'avait eu à ses côtés, le projet n'aurait sans doute jamais aboutit. S'il n'avait pas eu ce compagnon si cher à son coeur à ses côtés, il ne serait jamais allé jusqu'au bout. S'il n'avait vécu ce qu'ils avaient vécu ensemble, il n'en aurait sans doute même jamais eu l'idée. Oui, cette école était bel et bien la leur. Et si Cyrius, un jour, n'était plus à ses côtés... Aurait-il la force de continuer ? Non, l'idée en elle-même était une aberration. Il se refusait même d'y penser.

Un rapide coup d'oeil à sa montre. Un peu plus, et on aurait presque pu voir sur les traits de Lawrence se peindre une grimace agacée. Mais non, ses traits n'avaient pas bougé alors qu'il se redressait pourtant après un dernier baiser.

_Il va être l'heure. M'accompagne tu ?

Ils n'avaient pas vraiment discuter de ce détail avant alors même qu'il n'avait cesser de demander son avis à Cyrius sur le court texte qu'il allait devoir prononcer. Il n'aurait pas été faux de dire qu'ils l'avaient écrit à deux. Mais après... Cyrius n'avait peut être pas envie d'assister à cela, surtout que cela risquait d'être extrêmement ennuyeux. Cependant, sa présence à ses côtés serait d'un grand soutient pour Lawrence. Mais cela, il ne pouvait lui dire, il ne voulait surtout pas influencer son choix. Et si Cyrius n'en avait pas envie, lui n'avait absolument aucune envie de lui faire faire quelque chose qu'il n'apprécierait pas. Non, tout au contraire...

Voilà.... Le moment d'intimité entre eux est terminé. Déjà tous deux se redressent, Lawrence vérifie sa tenue. Il doit être impeccable pour ce discours, surtout ne laisser aucun détail nuire à sa bonne image. Une main dans ses cheveux pour vérifier sa coiffure, remettre rapidement en place sa veste, son col, son nœud de cravate. Le moment d'intimité entre eux est passé et malgré ses regrets Lawrence n'en montre rien. Il sait qu'il doit désormais se concentrer sur le discours qu'il devra prononcer d'ici quelques minutes, qu'il va devoir faire face à tous ces élèves qui, contraint d'assister à ce discours, n'ont eux-même sans doute qu'une hâte c'est de le quitter au plus vite. Il a l'impression d'un dur retour à la réalité après ce moment partagé avec son compagnon. C'est comme sortir de l'eau après une longue immersion et devoir affronter la fraîcheur de l'air. Est-ce cela aussi que Cyrius ressent ?

_Oui, bien sûr... Je regarderai les horaires en rentrant.

Il peut bien lui faire ce plaisir, n'est-ce pas ? Il sait à quel point ce film lui tient à coeur, il ne cesse d'en parler depuis des semaines. Il montre cette impatience qui lui ai propre, jamais expansive, mais il voit bien cette lueur dans ses yeux quand il en parle. L'eau est son élément et même si Lawrence ne peut lui donner une vie qui ne lui soit entièrement consacrée sans peine d'être séparés, il est bien décidé à ne le priver d'aucun moment qui pourrait ainsi lui faire plaisir. Il ne peut déjà plus lui accorder tout le temps qu'il désirerait, alors autant trouver moyen de le passer en faisant des activités qu'il affectionne particulièrement. Peut être pourront-ils même terminer la soirée dans un petit restaurant sans prétention, avant de rentrer.. Mais tout ceci est encore loin. Il a autre chose à penser pour le moment, et il le sait. Un coup d'oeil à ses dossiers abandonnés sur son bureau... Un travail qui n'en finit plus.

_Passons chercher Natalievski.

Lawrence a reprit ses distances. Cette froideur qui le caractérise si bien. Ce n'est plus vraiment le compagnon de Cyrius Aberkane pour le moment. C'est le directeur d'une grande école internationale au Japon formant les futures élites de ce monde. La pression est grande. Mais peut importe, il peut tout supporter. Une main sur la porte, il a un regard un rien critique un instant sur la tenue de Cyrius. Vérifiait que lui aussi soit "présentable" même si son look est loin d'être des plus conventionnel. Cela ira, oui. Alors il ouvre, lui tient la porte, attend qu'il le précède. Puis il la verrouille, simple mesure de prudence. Personne n'est censé traîner dans les couloirs à cette heure ci, mais sait-on jamais... Et déjà ses pas résonnent auxquels font échos ceux du psychologue. Lawrence ne ressent plus ce trac qui l'a étreint quelques minutes plus tôt. Il ne pense plus aux enjeux que peuvent avoir son discours, à ce qu'une erreur pourrait avoir pour conséquence. En cet instant, il est ce qu'il a toujours été : l'héritier de la grande famille MacKlarin. Il réussira, il n'y a même pas de doute à avoir.

{suite : discours du directeur}