Sounan'Sha
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Sir Brandon De La Box

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Message  Brandon Jr. Brandon Sam 11 Sep - 11:12

« Ysis Berengia Brandon ! Va me chercher ce bon à rien qui te sert de frère, ça fait une heure que je l’appelle. »
Ysis secoua ses cheveux ébouriffés qui lui donnaient l’air d’une chouette, poussa un soupir de résignation et grimpa l’escalier quatre à quatre. Toujours cette musique assourdissante… Il ne s’arrangeait pas en vieillissant, décidément. Et dire qu’il lui restait sans doute une soixantaine d’années à vivre, au bas mot. Oui, parce qu’il ne mourrait pas à la guerre comme il s’en vantait tout le temps, hélas y a un bon Dieu pour les ahuris, songea Ysis en arrivant devant la porte incriminée et ses nombreux verrous. Tous fermés, naturellement. Parano, va. Des flots de musique sanglante s’échappaient au-dessous, comme si un boucher enthousiaste avait été occupé à faire son travail avec la musique à fond, une image qui l’aurait fait rire si elle n’avait pas été de si mauvaise humeur ; elle le voyait bien en tablier, tiens, le blondinet de service… Elle tambourina à la porte de toutes ses forces en criant son prénom, mais pas de réponse. Bien sûr, elle n’avait pas d’autorité sur lui. Ça viendrait avec le temps, quand elle grimperait dans les échelons tandis que lui stagnerait…

« Ouvre, maman t’a demandé de descendre ! »
La musique hurlait. C’était presque flippant parfois. La veille, elle l’avait regardé une minute descendre des zombies sur sa console en se demandant sérieusement s’il n’était pas en train de perdre la boule. Il avait le regard fixe, comme les psychopathes à la télé. Enfin, c’était normal, il avait été renvoyé de son école, apparemment… Et comme leur mère venait de rentrer, sans doute à cause de ça d’ailleurs, il allait se faire tirer les oreilles façon colonel Brandon, autant dire que ça ferait très mal. Un mois au camp d’entraînement lui ferait les pieds comme il faut, surtout si on racontait certaines choses à ses camarades. Enfin ! Au moins Ysis aurait quelque chose à raconter à ses copines.

« Arrête cette musique de dégénéré ou je défonce ta porte, espèce de grand crétin ! Le chien va avoir peur ! »
Le chien pleurait, d’ailleurs, elle pouvait l’entendre. Ce n’était pas normal. Il n’aurait jamais fait quoi que ce soit si c’était préjudiciable à un de ses foutus bestiaux, elle ne le lui aurait pas offert sinon. Y avait que ça qui comptait dans sa vie, les bêtes. Il aurait été très bien dans l’armée, décidément, dommage qu’il ait changé d’avis… dans un corps d’apparat à cheval qui ne sert que pour les grands défilés, tiens, par exemple. L’année à briquer ses boutons de manchette, et le jour de la fête nationale il peut éblouir tout le monde avec.

« Ouvre, Garde-Suisse de mes deux ! »
Elle commençait sérieusement à se faire du souci, et soudain, baissant les yeux entre deux coups de poing, elle vit le filet de sang qui passait sous la porte. Il n’y avait pas à se tromper, qu’est-ce que ça pouvait être d’autre ? Il faisait un sacrifice satanique avec son chien, ce grand débile, ou... Elle écarquilla les yeux un instant, puis démarra comme une fusée et alla bondir sur le premier domestique qui passait.

« Venez avec moi, vite ! Y a du sang partout ! Allez abattre la porte, j’appelle les secours ! »
Il fallait démonter les verrous, ça prendrait du temps, peut-être valait-il mieux prévenir les pompiers… Non, sa mère saurait exactement quoi faire. Ysis dégringola l’escalier quatre à quatre en pianotant sur son téléphone. Rien qu’à voir son visage, sa mère se leva du fauteuil où elle attendait le coupable du jour pour le juger manu militari, et se précipita à l’étage, consciente qu’il arrivait quelque chose de très sérieux. Ysis porta l’appareil à ses lèvres, qui tremblaient un peu, et commença à expliquer la situation. Non, elle ne tomberait pas dans les pommes, pas maintenant, elle était la fille de sa mère, ça attendrait que l’alerte soit passée.

~

Quand Brandon ouvrit les yeux, sa mère lui colla une grande claque, le fusilla un instant du regard, puis se détourna et sortit en claquant la porte. Il se doutait qu’elle aurait plus de mal à comprendre que son père, mais après tout à défaut d’appartenir à l’élite japonaise elle était officier supérieur de l’armée américaine, la notion du déshonneur lié à la défaite ne lui était pas étrangère. Il savait très bien que, si elle se trouvait un jour responsable d’une grave déroute de l’unité placée sous ses ordres, elle serait la première à raisonner comme lui. La claque lui laissa une impression amère, humiliante ; si elle avait agi ainsi, c’est qu’elle ne le considérait pas encore comme un soldat, ni même comme un adulte. Elle le remettait à sa place. Tournant la tête, il trouva enfin son père, qui n’avait pas bougé un cil en le voyant se réveiller. Son costume noir de diplomate lui donnait l’air d’assister à un enterrement. Alors seulement, Brandon ressentit un léger remords.

« Tu as été victime d’une péritonite aiguë, tes jours ne sont plus en danger mais tu vas prendre quelques semaines de repos absolu, et tu ne retourneras pas à cette école. Nous envisagerons ton avenir plus tard, quand tu entreras véritablement en convalescence. »
Brandon cligna des yeux. De quoi parlait-il ? Ils savaient très bien l’un comme l’autre ce qui s’était passé.

« …C’est ce que je dirai à l’équipe administrative de cette école. Si certains de tes camarades viennent te voir, c’est aussi ce que tu leur diras. Nous nous comprenons bien ? »
Cette fois, Brandon acquiesça. Naturellement. Surtout à ceux qui n’étaient pas japonais. Et quant aux Japonais, il préférait qu’ils aient le moins d’informations possibles, trois d’entre eux notamment. Le groupe. Etrange d’envisager un avenir complètement différent de ce qu’il avait imaginé, complètement vide de ce qu’il y avait projeté. Pourquoi l’avait-on obligé à cet absurde exercice ? Pourquoi s’accrocher ainsi à une coquille vide ? Il fixait son père avec une interrogation dans le regard. Ce dernier haussa les épaules. Il n’était pas présent lorsque les secours étaient intervenus, et ne voulait surtout pas essuyer ses reproches à ce sujet.

« Ta sœur ne veut plus entendre parler de toi. Elle est retournée aux Etats-Unis, et te désigne désormais comme ‘ce connard’. Si tu veux lui transmettre un message, passe par moi, ça vaudra mieux. »
Ysis, bien sûr. Quand il serait remis, ils se mettraient sur la gueule une bonne fois et ils seraient quittes. En attendant, mieux vaudrait se tenir à carreaux, il le comprenait parfaitement. Un message, oui… peut-être, ça ne coûtait rien, il était trop tard de toute façon, trop tard pour que ça ait une réelle importance. Brandon essaya de parler. Le pincement remonta de son ventre et le traversa tout entier comme un coup de poignard, paralysant son effort. Il lui fallut quatre tentatives obstinées. L’homme en costume noir resta parfaitement immobile, à croire qu’il ne respirait pas, qu’ils étaient au royaume des morts, et qu’ils avaient tout le temps du monde devant eux, dans cette chambre d’hôpital immaculée qui semblait se situer ailleurs que sur Terre.

« Dis-lui que je l’aimais. »
Son père se leva et se rapprocha. Il avait un sourcil froncé. Il sentait qu’il y avait dans cette phrase un message implicite. C’était sans doute tout ce que Brandon arriverait à dire aujourd’hui, il ne fallait rien laisser échapper, pas une miette. C’était son âme qui avait failli se perdre, et qu’ils avaient retenue in extremis ; autant dire, la chose la plus précieuse au monde. Et c’était aussi grave qu’un message d’outre-tombe. Il n’était pas certain, à voir son visage pâli et ses yeux cernés, qu’il ait entièrement échappé à la tombe, tout éveillé et lucide qu’il soit.

« Dis-lui que je l’aimais. »
« Je comprends. Ce sera fait. »

Brandon referma les yeux et reposa sa tête sur l’oreiller. Il y avait un poids à côté de lui qui inclinait la surface molle et blanche dans sa direction. Les lèvres décolorées eurent un petit sourire. Il tendit la main pour entrer en contact avec la silhouette qui devait longer la sienne, ne rencontra que le vide, et songea qu’il était trop faible pour bouger. Plus tard, peut-être. Et ensuite, il ouvrirait les yeux, et ce serait bien la personne à laquelle il pensait. Ce ne pouvait être qu’une seule personne, et sa famille avait peut-être deviné le reflet d’une telle personne dans le sang qui s’échappait sous la porte, ombre indistincte mais seule origine possible d’un acte aussi désespéré. Son père, en sortant à pas de loup, avait allumé la télévision, et des personnages stéréotypés y faisaient de grandes déclarations chevaleresques, c’étaient les émissions enfantines qui reprenaient les grands thèmes habituels… à la musique qui commençait, une image s’imposa à son esprit : un guerrier à genoux. Il connaissait cette scène, et sans qu’il ait à ouvrir les paupières elle dansait devant ses yeux.

« J’ai donné ma parole, je te consacre mon épée. Que mon épée me soit reprise, si je reprends ma parole. »
Et que mon épée m’achève si tes paroles me condamnent. Il avait regardé ce dessin animé plus de cent fois. Il le connaissait par cœur. C’était tellement ridicule et tellement réel à la fois, plus réel que cette chambre, que son corps d’adulte brisé et endolori, que les attentes saccagées des deux adultes qui parlaient dans le couloir, que les avions qui passaient dans le ciel, et que les endroits lointains où ces voies magiques conduisaient. Mille fois plus réel que l’école où il ne retournerait pas, où les autres deviendraient adultes, sans lui. Il se demanda un instant qui allait s’occuper de son chien, mais au fond cela lui était presque indifférent. Le sommeil l’emporta dans ses mains glacées.

~

« Bonjour, jeune homme, je vous remercie d’être venu. »

Le garçon s’approcha de leur table et les salua d’un regard incertain. Difficile d’imaginer, en voyant sa silhouette gracile, qu’il s’agisse d’un camarade de classe de leur fils ; le couple se regarda en silence, puis tout le monde s’assit et commanda à boire ; une certaine tension dans l’air précédait une conversation quelque peu embarrassante.

« Je vous présente mon épouse… Nous sommes les parents de Brandon. Vous le connaissez, n’est-ce pas ? »
« Oui, bien sûr. Enfin… je vois qui c’est, » rectifia l’étudiant avec un rire nerveux. « Il ne vient plus en cours depuis hier, ses affaires ont été retirées de sa chambre. Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’il va revenir ? »
On lui apprit qu’il était malade, qu’il fallait encore attendre les progrès de sa guérison pour decider de la reprise ou non de ses etudes, qu’il avait surtout besoin de solitude et de calme. Le jeune homme hochait la tête, concentré. Puis ce fut la mère de Brandon qui prit la parole. Elle lui dressa un portrait rapide, un jeune qu’elle avait croisé en compagnie de son fils. Leur invité fronça les sourcils quelques secondes, puis son regard s’éclaira. Bien sûr, il le connaissait aussi, Brandon et lui ne se quittaient pas. C’était une vraie star, peut-être en avaient-ils entendu parler ? Aki Yamagata.

« Non, ça ne me dit rien, mais là n’est pas la question. Vous pourriez lui transmettre quelque chose ? Nous comptons sur votre entière discrétion. La seule personne qui pourra être mise au courant de la transaction sera votre directeur, et s’il a une objection, dites-lui de nous contacter directement. »
Carlsen hocha vigoureusement la tête, visiblement très fier de tenir une conversation en japonais, à plus forte raison avec cet homme qu’il admirait et qui l’aidait tant depuis leur première rencontre, dans l’avion qui l’amenait au Japon. Une sorte d’ange gardien… Etrange, bien sûr, de constater qu’il était marié, que sa femme avait le même type que lui – Carlsen – et qu’ils étaient les parents du grand disparu de l’école. Il y réfléchirait plus tard. Lancaster allait bientôt sortir de cours pour le rejoindre, ils en parleraient ensemble. Son entière discrétion… aïe, ça c’était un dilemme.

« Quand vous dites mon entière discrétion, je peux en parler à mon amoureux, bien sûr ? Je veux dire, je lui demande toujours conseil, comme vous savez… »
Le père de Brandon acquiesça avec bienveillance, posant sa main sur celle de son épouse pour lui signifier qu’il s’agissait d’un jeune lunatique inoffensif et qu’il était sans danger de lui passer ce petit caprice. Et puis, qui mieux qu’un couple de deux étudiants pouvait comprendre qu’un tel message ait à rester strictement confidentiel ? Trop confidentiel, d’ailleurs. S’il n’en avait pas été ainsi, Brandon aurait pu présenter officiellement Aki lorsqu’ils avaient croisé sa mère, celle-ci aurait donc pu entendre pourquoi il avait quitté l’école et en parler avec lui, et le pire aurait pu être évité. Quoi qu’il en soit, il était temps de jouer un peu cartes sur table. Des erreurs avaient été commises par le passé, il importait de s’en défaire pour l’avenir.

« Le message de Brandon est : Dis-lui que je l’aimais. »
Le sabre court passa de mains en mains ; Carlsen, obéissant et candide comme à son habitude, le rangea dans son sac, même s’il dépassait un peu. Il avait le sentiment de revivre sa rencontre avec monsieur Takeda. Bien, il remettrait le sabre et le message. Il n’était pas certain que ça resterait dans les mains du destinataire, c’était pas forcément son truc ; mais ce n’étaient pas ses affaires. Décidément, il manipulait beaucoup d’armes blanches depuis quelques temps, c’était étrange… le Japon avait sur lui une influence guerrière qu’il n’avait pas prévue.

~

« Je t’ai apporté ton chien. Il te cherche partout à la maison. »
Brandon hocha la tête en signe de remerciement, mais ne fit pas un geste en direction de la petite boule de poils qui crapahutait avec enthousiasme sur le lit. A quoi bon… de toute façon il serait rentré dans les semaines à venir, il pouvait tout aussi bien faire sa rééducation là-bas. Mais quelque part ça ne changeait rien. Son père hésita un instant et reprit :
« J’ai rencontré le jeune Coppernick, il y a une heure. »

Une lueur d’étonnement apparut un instant dans les yeux de son fils, puis s’éteignit. Malgré lui, malgré tout son entraînement à dissimuler ses sentiments, le diplomate eut un sourire à cette constatation.
« Guimauve Carlsen ? Pourquoi ? Il a demandé à me voir ? » marmonna le blessé en détournant le regard.
« Non, je lui ai fixé rendez-vous… Ta mère était avec moi. »

Brandon repoussa un peu le petit chien qui lui léchait la figure, garda le silence, puis au bout de quelques secondes hocha la tête. Ses yeux le brûlaient. Il s’efforça de respirer calmement, de les tenir fermés, mais son père ne s’en allait pas et continuait à le fixer, et bientôt les larmes commencèrent à couler sur ses joues, comme elles ne l’avaient pas fait depuis des semaines, sans plus s’arrêter.

« Elle te fait dire que tu es trop jeune pour avoir déjà trouvé la personne avec qui tu passeras ta vie. Et trop jeune pour avoir choisi une orientation sexuelle plutôt qu’une autre. Je lui expliquerai qu’on ne choisit pas, si tu veux bien. Elle, je ne peux pas l’envoyer étudier à Sounan’sha jusqu’à ce que ce genre de chose lui paraisse évidente… »

Tout était vraiment fini, maintenant, mais pas de la manière qu’il avait imaginée. Rien ne serait donc, jamais, comme il l’imaginait… s’il avait pu en cet instant débrancher définitivement les connections de son cerveau, et vivre à l’instinct, par exemple, comme Tatsuki… Ou juste vivre, comme tout le monde. Mais à la pensée de ce qui pouvait encore arriver, la peur tendit son corps et une crampe douloureuse l’envahit de nouveau, crispant ses mains sur les draps, tandis qu’une sueur froide commençait à briller sur son visage. Il n’avait pas la force de se débattre, il n’y avait qu’à se laisser porter. Son père courut à la porte et appela une infirmière, tandis que le petit chien s’aplatissait sur le drap en couinant, les oreilles couchées, terrifié de retrouver des souvenirs si perturbants alors que tout semblant enfin s’arranger.

« Que se passe-t-il, monsieur ? »
« Je crois qu’il est en train de guérir. Pouvons-nous avoir une sorte d’anesthésiant, s’il vous plaît ? »
Brandon Jr. Brandon
Brandon Jr. Brandon

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Date d'inscription : 10/12/2009

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