Cours de Théâtre [Venez nombreux ^^]

Les cours de Karel portaient en premier lieu sur l'improvisation. Il laissait bien sûr les bosseurs préparer avec acharnement un rôle complexe d'une séance sur l'autre, et présenter en début de séance leur scène à leurs camarades ; des points bonus pouvaient leur être attribués en fonction de la force de leur interprétation. Mais ce qu'il encadrait, pour l'instant, c'était la naissance de cette capacité à voler la vedette, à toujours surpasser la personne à qui l'on donnait la réplique, en s'accordant à son jeu dans une harmonie qu'il qualifiait de 'duelliste'. Il avait eu du mal à traduire son explication dans le courrier qu'il leur avait envoyés, mais Alekseï et Volodia l'avaient aidé, et au final il espérait que ce serait clair, précis et pas trop extravagant.

Il allait aussi mettre l'accent, un peu plus que l'année précédente, sur l'écriture théâtrale. Durant ses longues vacances imposées, il avait dû travailler une forme théâtrale typiquement japonaise à laquelle il était totalement étranger, c'est le cas de le dire. Incapable de comprendre ce qu'on lui demandait, il avait fini par en écrire une scène lui-même, aidé par l'acteur qui lui avait demandé sa participation, et c'était alors que le déclic s'était produit. Il voulait permettre à ses élèves de connaître les rouages du texte de l'intérieur, plutôt que de flotter à sa surface.

Ils étaient en nombre impair pour le moment, mais dans cette agitation post-apocalyptique, qui sait si des petits nouveaux n'allaient pas les rejoindre à l'improviste ? Ou d'autres anciens élèves dont il n'avait pas encore appris le retour. Aussi s'était-il arrangé pour que l'exercice se déroule sous la forme d'une ronde, chacun relançant le suivant, et peu importe combien d'éléments entraient dans la composition du cycle, on reviendrait fatalement au premier sans négliger personne. Aki, Daïki, Artemis, Cyan, Alekseï, Aï. Un ordre aléatoire qui donnerait ... ce qu'il donnerait. L'élément du hasard était une des premières choses à apprivoiser, quand on comptait passer sa vie à faire du direct. Lorsque les élèves arriveraient, ils verraient un cercle de chaises de metteur en scène. C'est-à-dire avec leur nom sur le dossier. Karel se tenait, avec une certaine prudence, à l'extérieur de ce cercle ; c'est eux qui à tour de rôle se risqueraient à l'intérieur.

''Bonjour messieurs ! Déposez vos sacs à l'entrée, ne gardez qu'un cahier et un crayon, et venez vous asseoir. Il faudra écrire sans table, je tenais à ce que ça fasse scène et pas jury, vous me comprenez ? Non ? pas grave, vous verrez quand vous y serez. Heureux de vous revoir tous en bonne santé, et de voir que personne n'a perdu sa motivation !''

Le jeu n'était pas très compliqué, mais il attendait que tout le monde soit en place pour en donner une explication plus précise. Pour le moment il dévisageait les arrivants, détaillait leur apparence, en tirait des conclusions parfois franchement fantaisistes, et se réjouissait surtout de retrouver ce rôle auquel il avait été si brutalement arraché. Le rôle de sa vie, dans un sens.